La Trinité-des-Monts, vue du Pincio
Numéro d'inventaire
2024.1.1
Auteur
Maurice Denis auteur
Typologie
Peinture
Dimensions
Matériaux et techniques
(huile)
Datation
1928
Propriétaire/Dépôt
AFR
Description - Iconographie
Au centre, l'église de la Trinité-des-Monts et ses deux clochers symétriques, ainsi que l'obélisque qui se trouve devant l'édifice. A gauche, la promenade du Pincio depuis laquelle est peint le tableau.
Historique
Expositions : Milan, Fiera Internazionale di Milano, 12-27 avril 1935.
Cette oeuvre sera incluse dans le catalogue raisonné de l'oeuvre de Maurice Denis actuellement en préparation par Claire Denis et Fabienne Stahl (numéro d'indexation 928.0015).
Peinte depuis la colline du Pincio, l’église de la Trinité-des-Monts et ses deux clochers symétriques occupe le centre de ce tableau peint par Maurice Denis en 1928. Dans l’angle inférieur gauche du tableau, un couple marche vers le spectateur. Leur présence est caractéristique des vues et paysages de Maurice Denis, dans lesquels on décèle souvent une discrète présence humaine. Traitée par de grands à-plats de couleurs sobres, cette huile sur carton toilé témoigne d’une volonté de simplification et de synthèse dans la représentation de la nature, caractéristique de l’œuvre du peintre à partir des années 1900 alors qu’il s’éloigne de l’esthétique nabie.
Sans doute peinte lors d’un séjour romain entre février et avril 1928, cette œuvre s’inscrit dans une série de tableaux exécutés par Maurice Denis en Italie. Il s’y rend pour la première fois en 1895, accompagné de Paul Sérusier. Il est alors en quête d’un remède à la crise artistique et culturelle qu’il traverse. Trois ans plus tard, en 1898, il visite Rome pour la première fois. Cette première visite ne l’enchante pas. Au contraire, il confie dans sa correspondance se sentir « perdu dans cette grande ville où [il] ne [se] raccroche à aucune séduction ». André Gide, qu’il rencontre par hasard à Rome, l’initie cependant aux beautés de la ville. Grâce à lui, il parvient à saisir « le charme profond, véritablement mystérieux, de la Ville éternelle ». Leur première balade les mène sur le Pincio où Denis découvre la vasque placée devant la Villa Médicis et la vue sur la ville, dépeintes par Camille Corot avant lui. Il peindra lui-même ce point de vue à aux moins huit reprises jusqu’en 1936, il en dessine également de nombreux croquis.
Plus tard, en 1936, Denis déclare que ses deux premiers voyages en Italie ont été fondamentaux dans son cheminement artistique. Il va même jusqu’à qualifier le pays de « seconde patrie ». Ses voyages en Italie, notamment à Rome, ainsi que ses nombreuses discussions théoriques avec André Gide consignées par l’artiste dans son Journal, sont en effet essentiels pour comprendre la rupture stylistique qui survient dans son art aux alentours de 1900, son passage du symbolisme à un « nouvel ordre classique », comme il le définit dans le titre de son premier recueil d’essais, publié en 1912 (Théories 1890-1910. Du Symbolisme et de Gauguin vers un nouvel ordre classique). Au tournant du XXe siècle, le peintre réintroduit en effet la perspective, le ton local et une plus grande rigueur dans la composition, sa palette de couleurs se réduit, le dessin acquière une plus grande importance et il s’éloigne d’une attention trop forte à la fugacité des émotions. En abandonnant l’esthétique nabie, Denis promeut la soumission du détail à la beauté de l’ensemble et une plus grande concision. Après son premier voyage à Rome, il rédige l’article « Les arts à Rome ou la méthode classique » qui théorise sa nouvelle pensée esthétique. Cette conception neuve trouve son expression dans deux grands tableaux peints au tournant du siècle, l’Hommage à Cézanne (1900, Paris, musée d’Orsay) et Laissez venir à moi les petits enfants (1900, Neuss, Clemens Sels Museum). L’Italie demeure pour le reste de sa carrière une source d’inspiration majeure. En 1925, il publie ses Carnets de Voyage en Italie où il présente les esquisses exécutées sur le motif, transcrites en gravures par les frères Beltrand.
L’intérêt de Denis pour l’Italie s’inscrit dans un mouvement global d’intérêt pour la culture méditerranéenne qui prend son essor dès la fin des années 1890 dans les milieux symbolistes. Jean Moréas crée l’École Romane, Maurice Denis se rend plusieurs fois à Fiesole dans la villa d’Ernest Chausson, son ami Henry Cochin traduit la Vita Nuova de Dante, une grande rétrospective d’art italien a lieu à Paris en 1904 … Chez Denis, la redécouverte de la littérature classique complète son apprentissage du grec et du latin et son admiration pour Fra Angelico et les primitifs italiens contemplés au Louvre.
En outre, cette œuvre est peinte alors que l’artiste atteint l’apogée de sa reconnaissance publique : promu commandeur de la Légion d’honneur en 1926, il devient membre de l’Institut en 1932. Des expositions lui sont consacrées, notamment à la Biennale de Venise de 1922 et au Pavillon de Marsan en 1924. La période de l’entre-deux-guerres est aussi marquée par son engagement en faveur d’un art chrétien, il crée les Ateliers d’art sacré avec le peintre Georges Desvallières. Ce goût pour un art religieux explique peut-être son choix d’un tableau dont le sujet est l’église de la Trinité-des-Monts.
N° inventaire AFR : 2024.1.1
Œuvres en rapport
Bibliographie
Maurice Denis, Charmes et leçons d'Italie, Paris, Armand Colin, 1933
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